"On ne vend pas la terre sur laquelle les hommes marchent"

(Article paru dans "Les Grands Chemins" N°5 Novembre 1993)

Il semblerait inutile parce qu'évident pour tous, de rappeler les réalités du "Rural" en Provence et plus particulièrement sur le Haut-Var et les Pays du Verdon.

Nous nous référons à tout ce qui a été mis en lumière depuis 5/6 ans par des recherches et colloques menés dans le cadre Mission Milieu Rural Ligue, CELAVAR(1), URE(2) ... mais aussi à nos révoltes et à notre Amour de la Terre.

Parfois cheyennes (c.à.d. ETRES HUMAINS) nous savons qu'on ne peut impunément "vendre la terre sur laquelle les hommes marchent". Quand on entend "l'Agriculture c'est foutu !" ou bien qu'il nous est impossible de développer quoi que ce soit face à "l'emprise du foncier", certaines plaies se rouvrent et une grande question se pose : qui et quoi vont remplacer les agriculteurs et les ouvriers ruraux du Var ?

Suffirait-il de transformer la "campagne" en jardin d'acclimatation et pour quelques santons et épouvantails accueillants - comme l'entreprennent déjà certaines boutiques prétendant faire du "tourisme vert" -

suffirait-il de mettre les outils, les machines et quelques survivants des faienceries de Varages et de Salernes, de l'industrie du liège de Grimaud, Cogolin et St-Tropez... dans des musées médiocres où, de temps à autre, des folkloriques en habits provençaux bourgeois viennent nous ridiculiser par des cérémonies de pacotille ?

Suffirait-il pour nous aussi de monter nos propres boutiques "associatives" et nous repaître de nos dépouilles, participer à la ruée vers l'ELDORADO du futur PNR (3) ...? ... et nous serions enfin en voie de redéveloppement ?

Non, bien sûr, car nous savons pour qui et pour quels spéculateurs notre agriculture et nos savoir-faire ont été marginalisés. Alors que les prix des terres et des loyers, les emplois ne sont plus à notre portée à nous prolétaires, il nous faut les céder à des "acheteurs" amoureux du désert et des villages morts, à des oiseaux de mauvais augure qui nous offrent des emplois de larbins et autres décors pour club-méd' et la résignation au rôle de pilier de bistrot silencieux.

On sait très bien que notre agriculture pourrait se transformer, s'adapter à la pluriactivité, à l'accueil de visiteurs saisonniers maîtrisé par les habitants (même venus d'ailleurs !) permanents du Pays. Mais il y a eu depuis plus de 40 ans l'opération délibérée de TUER notre viticulture puis tout le reste pour céder la place aux "Bronze-culs", zones mitées de résidences secondaires sans lien avec la vie locale, bétons, camps militaires et massacrer le Verdon.

Bien sûr que si un LAC artificiel a noyé les terres, le seul terrain exploitable qui subsiste c'est la surface de l'eau et l'attrait de criques "sauvages".

Mon père a perdu son peu de terre, sa maison imaginée pour la retraite. Il a VENDU son âme... mais il reste nos collines et le miel des abeilles pour produire et oeuvrer per leis auceùs de bòn auguri, réservant les cabridans pour recevoir comme il se doit leis auceùs de marrid auguri.

Pierre Méric

(1) CELAVAR = Comité d'Etude et de Liaison des Associations à Vocation Agricole et Rurale.

(2) Université Rurale Européenne de 89 avec la Féd. Nat. des Foyers Ruraux. (3) Parc Naturel Régional du Verdon - auquel le mot "PAYS" fait déjà cruellement défaut.

Voir : Des Maures au Pays du Verdon

LA SANTONNADE (Note de 1994)

Dans le N°5 de notre bulletin (Nov. 93) figure un texte de référence : "On ne vend pas la terre sur laquelle les hommes marchent"... Le propos semble tomber dans l'oreille SOURDE des "intégristes" provençalistes qui débonnairement confondent le terme "culture régionale" à celui de "culture provençale"... En authentique autochtone je sais que c'est faux ! d'où les "S" dans notre titre "ARTS et CULTURES". En fait cette conception ramène à l'esprit Paysan, propriétaire, pour mieux utiliser un fond de commerce et les provençaux comme autant de SANTONS pour ce tourisme consommateur moutonnier d'exotismes (que la phrase de Jean CASSOU citée dans notre N° 8 analysait parfaitement). D'autres intervenants au cours de nos récentes rencontres LIGUE, ont pu s'inquiéter du commerce des "racines" identitaires tournant au "passéisme". La culture des Pays du Verdon en musique par exemple c'est aussi le Jazz ou la Chanson française... ou ce Rock en Anglais que nous chantions déjà en 1964 à BARJOLS et à RIANS... ("Les Panthères Noires" et "Les Leopards")... c'est aussi la fête multiculturelle des Grands Chemins depuis 83 (Soirées Gitanes et Musique du Maghreb...) - MEFI aux "hymnes", aux "nations" et autres volcans qu'on croyaient endormis !

- La réponse à l'époque (1982) à l'animateur sur Radio-France Provence sur ce sujet a été nette : "Je ne suis pas un chanteur occitan mais un occitan qui chante.... le Cante Jondo, le Chant Profond de toute la Méditerranée, notre Jazz... musique de tous les temps, de partout, de toujours..." (sur Radio-Provence à Jacques Hansen)

*** "Le tourisme c’est la consommation collective de choses qui ne sauraient être goûtées et appréciées que par la sensibilité individuelle." (Jean CASSOU) ***

Retour Editions Grands Chemins